lundi 17 mars 2014

Fleur de Tonnerre - Jean TEULE


Auteur connu et reconnu, il me semble inutile de vous présenter une biographie de Monsieur Le Marquis.

Ma première rencontre avec Jean TEULE se fit avec Le Magasin des Suicides en mains, œuvre au faux air burtonien et au concept dérangeant et hilarant, adaptée au grand écran.


Puis s’enchainèrent au fil des années, presque naturellement, d’autres découvertes selon moi davantage illustratrices de l’œuvre de TEULE, à savoir Le Montespan, Je, François Villon.


Une croisade littéraire au cours de laquelle Jean TEULE m’est vite apparu comme une plume non identifiée, imprégnée d’une curiosité historique quasi érudite et d’un goût certain pour la mise en scène tantôt cruelle tantôt grossière et absurde.

Ses personnages ont presque tous quelque chose de non respectable, de mollasson voire d’abrutissant ce qui participe, sans doute à notre insu, à leur charme.

Reste à savoir si avec Fleur de Tonnerre, l’auteur continue de s’inscrire dans le même sillage.


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Au début du XIXe siècle, partout en Bretagne, couraient encore les légendes les plus extravagantes. Le soir, au creux des fermes, on évoquait avec frayeur les apparitions de l’Ankou, l’ouvrier de la mort, squelette drapé d’un linceul et portant une faux. Cette terrible image frappa avec une violence inouïe l’imaginaire de la petite Hélène Jégado. Blottie contre le granit glacé des menhirs, l’enfant se persuada qu’elle était l’incarnation de ce personnage d’épouvante. Après avoir empoisonné sa propre mère, elle sillonna la région, éliminant tous ceux qui accueillaient avec bonheur cette parfaite cuisinière. Elle tuait tout le monde, sans discrimination. Et elle était si bonne, si compatissante au chevet des mourants, que personne ne pouvait soupçonner un seul instant son monstrueux dessein. À laisser trop de traces, elle finit par se faire prendre. Quels secrets renfermaient cette tête qui, le 26 mars 1852, sur la place du Champs-de-mars de Rennes, roula dans la corbeille de la guillotine ?


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Aux premiers abords, on se délecte de cette audacieuse référence historique et de la promesse d’une virée dans la Bretagne profonde, celle de toutes les superstitions, de toutes les magies, notamment à travers le regard et la progression de deux commerçants Normands, notre référent lambda.

Une Fleur Insipide ?

Si je n’ai pas lâché ma lecture en cours de route, je n’en ai pas moins été tentée tant la construction de l’intrigue m’a laissé perplexe, impossible de déterminer si TEULE nous jouait là un de ses grands tour de passe-passe ou s’il s’était tout simplement égaré, tant le démarrage paraissait décousu et incohérent, à l’image parfois de son héroïne et de la juxtaposition de langages si anachroniques.

Au fil des pages et de discussion, il apparait pour la majeure partie des lecteurs que TEULE opère vers la moitié de son oeuvre une sorte de scission, un instant où tout semble s’inverser et basculer.

Au fur et à mesure qu’Hélène semble s’affirmer et enfin s’animer de sentiments, qu’ils soient bons ou mauvais, nos deux Normands se laissent peu à peu absorber par ces folies bretonnes.
Le problème réside en ce que l’impression d’écriture tantôt aboutie tantôt « bâclée » nous empêche de nous immerger totalement, un décalage difficile à surmonter.

Concrètement, il y a du bon à puiser dans chacune des deux parties du roman. Se trouve dès le début, cette étape de familiarisation avec les superstitions multiples et loufoques bretonnes, une certaine élaboration des crimes et du mode opératoire d’Hélène ; et dans un second temps, cette héroïne si fade et insipide qui s’épanouie, s’épaissit jusqu’à la fin.

Du côté des grands inconvénients que présente l’œuvre, une héroïne aux airs d’automate sanguinaire, sans étoffe dont l’évolution plus qu’appréciable en deuxième partie se fait supplanter par une cascade de répétitions mortuaires, un enchaînement trop rapide et lassant de morts toutes similaires.

Le verbe de l’auteur, curieux mélange de langage urbain contemporain et de dialecte breton finit par avoir raison de nous et de notre concentration.
Reste tout de même cette sensation satisfaisante d’avoir côtoyé le temps d’une lecture un des personnages les plus intrigants de l’Histoire noire bretonne.




Note : 2,5/5

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